L\'Insoluble

L\'Insoluble

Uunartoq

 

 

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1. Un vecteur magnétique.

 

 

 

 

j'entends la voix de ma conscience
pénétrant loin sous la surface
là où moi
petite taupe
je demeure

elle revient de si longtemps
que je ne sais plus qui c'est
mais c'était sûrement un arbre
un très bel arbre
un arbre doux, rugueux et odorant
qui faisait mal
qui se penchait là sous la pluie
et trouvait
sous la terre
tous les petits détails
dissimulés

sous la profonde terre où moi
petite taupe
je demeure

 

 

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magnitude

 

 

 

ça ressemble à l’embrasement d’une faille


on ne sait pas comment la force se disperse, on sait la vie ultérieure
en quelques lignes sur quelques écrans électriques


des spectres
des curvatures, des pentes douces

 


puits des arrivées illisibles où je trouve, dans le brouillard levant
le nom précis d’un départ

 

 

 

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elle se demande



est-ce que toutes entières ces embardées de routes
ont réellement l'air du levant
ou bien
lampes frissonnements murmures
ne sont rien autre que le toucher de doigts sur la caverne


elle veut connaître
le flux d'origine de ces comètes et vallées
elle se pose encore un pourquoi d'envergure



elle répond que tout est l'axe
et de l'autre bord seulement des larmes


puis


des larmes

 

 

 

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il y a eu ce grand moment sans mystère, ces doux hivers pleins d'été

 

je suis passée parmi le feu et l’eau, parmi le vent et la poussière, le silence et la peur, le sel et la souffrance

la réduction de l’âme et le terrible élargissement du lointain

ce qui est sûr, c’est que c’était une brève, très brève épiphanie

penché, un guitariste et quelques accords tristes, un la mineur, un fa majeur. Des armes rouges.

que dirait Ile de la teinte douce du sol ?

 

je fais le tour des vignes, des poiriers et des ronces. Droit sur le ciel un grand empan de terres noires et sur la crête un chemin passe près des ravines.

le vent est froid. L'eau fraîche est ocre.

 

m'ébrouant, je remets en place tous les arceaux du présent

boussole accrochée, examinant mes algorithmes

un ciel redevenu lisse recouvre tout le matin les grès des sources

 

sous l’aquifère une argile ferme le banc

 

 

 

 

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je chante la rosée dans la forêt ouverte, et de nouveau l'eau monte sur le village trempé

je marche plus lentement que toi

 

j'essaie de penser à ton ombre comme aux flancs élégants d'un chevreuil, poitrine soulevée de chaleur, et dans l'espoir que se rappeler ta voix fait naître

 

 

 

 

je parle du feu sur l'orage, et de l’animal qui au centre des bois, joue mon destin

 

 

 

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j'écris maintenant sur la pensée de l’homme

en apprentie sauvage

large et long parchemin de sa peau électrique

peau de la terre nue peau de larme et de mort

et déchirant chaque fois qu'elle peut

 

mais déchire

- nul ne dira que j'ignorais -

déchire les ligaments et les courbes

moi ce que je fais c'est simplement écrire

sur la peau dure comme sauvage

comme pensive et repliée

cherchant l'ultime soleil de comprendre

 

comprendre comme quand

ce qui relie les fractures

ce sont juste, simplement

extraordinairement

ces endroits où les courbes

calculées

 

se minimisent

 

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2. Le chemin absolu.

 

 

 

Vint le moment où vint sa voix, vinrent des planètes. Mais je ne sais plus, c'était comme une échine de lumière où des gens sur la montagne, ombres portées qui se pressaient ensemble, coupaient et déchiraient l'espace d'une épissure. Voix de chevreuil et de puissance, voix des ombres de la nuit, des incendies de plaines, de ce qui fait tout le reste emporter.

 

 

 

 Un genre de son qui n'est ni bruit ni le silence, des griffures avec intensité dans le foutoir incompressible du ciel, un orage en violence lâchée, une épouvante.

 

 

 

 Et tout précisément là, dans cette source qui protestait du monde avec tous ses poings, juste là, elle a mesuré combien elle était vulnérable, dans la lame du lien qui la creusait. Combien fragile était la voie qui voulait faire en l'univers passage.

 

 

 

 

 

 Combien elle engageait son souffle dans l’échange.

 

 

 

 

 

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c'est inévitablement sur la crête qu'il est debout

 

sur l'axe


où l'air libre s'aromatise de satiété. Le torrent étalonnesque. Et la roche dure


il contemple avec contradiction ses opposés nocturnes et de soleil


Nord et couchant, ragga de Sud

 


et les nappes infiniment rouges des pentes

 

 

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de vie ou de mort

 

 

 

 

 

 

ah, oui, les gestes! Sculptures de mains. Ruissellement retenu


ce mouvement de feu sur la colline


sans rien mentir


mais aussi l’être qui modèle dans la pierre et ses mots sur la feuille

 

et moi le front pensif posé dans la chaleur

 

 

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la cohérence est intérieure, un champ obscur

moi je prendrais des rails croisés, du feu intense, un road movie

un café noir au vent d’entre deux portes

le cœur tordu de la perte

 

 

et surtout

et surtout

la liberté de vivre

 


(en attendant, je dors dans son image)

 

 

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diagramme de phase

 

je touche la diffusion du météore

immergé dans la glaise et la glace

ses langues de feu pauvres Sisyphes

sur un sommet trop loin

 

il ne sait pas, c’est sûr, la ligne exacte de la chute

il ne l'a pas enregistrée

 

 

 

moi si

 

j’écoute le cœur battant

son impro de chaleur

 

 

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si fin se meut tout près des roches

et ses gravures parce que sur la peau des lignes pâles qui parsèment

à l'angle des crinières

 

un peu comme un lion des montagnes

le corps élancé blond de l'animal

 

la jeune femme aux cheveux noirs dirait : 

  la perfection 

 

 

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 on conte souvent ses paysages

on pleure qu'il n'ait pas toujours voyagé sous notre pluie

ce temps perdu

certains des doubles l'ont dit calme


passeur à la fois lent, inaccessible, chargé d'ivresse dans ses
bourrasques sillonnées

si somptueux, la nuit

 

colline indienne sous l'invasion des vides

en équilibre sur un quai

 


et la ponctuation terrible des femmes

 

 

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sans un détour et sans le vide des intervalles
ni loin, ni absent
entièrement dans la musique de ses ondes. Et qui accoste parfois. Se
joue de la solidité des portes
se brise douce, se fréquences graves
s'arche de pierre.


et mon repos si large sur le seuil, avec toutes les sources
où les terreurs sont reportées, les nuits confiantes

 

vibrante écharpe blanche dans mes mains

 

 

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ton écriture de lave au portrait d'ombre

celle ronde qui étincelle

a l’air d’ambre filé

d'ailes jetées sur l’air

d'océanites

elle plonge

racine éperdue

 

 

 

entreposé sur mes pensées

mon pays-branches est dans le calme

dans une imposition du cœur

dans une eau magiquement verte

 

 

 

 

il chante

 

 

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nous sommes dans la maison de réalité

 

en haut c’est la tendresse

les herbes pâles les sources d’eau de son regard

le rouge brun des berges

et les sourires, ces échappées de miracles

 

mais en bas, les animaux, tendus et hostiles

se toisent avec la lutte

danse déjà prédite, jusqu’au sang

 

au long du corps les dépourvus de rire et d’amitié

tous les arcanes d’univers

 la fusion des planètes

 

 

le doute aussi

le doute

 

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dans l'aube froide coule la neige

dans l'aube froide

vibre une tension si pure

qu'elle casse les os de tout mon corps

 

 

je touche le corps des lignes noires, des membres respirant

auxquels tu appliques des tests si incommensurables

qu'ils ne sont plus que chair aiguë

 

 

mais j'ai beau faire, tu sais, la ligne va de moi au monde

et j'ai besoin de toi pour les surfaces

j'ai besoin de toi

je ne peux plus tendre les mains

je fais seulement trembler la terre

 

 

la terre

qui dans son aube aérienne

luit

 

 

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sismogrammes

 

 

tout sismogramme est une forme d'appel

où l'on écoute un versant du matin, lueurs solaires

infinies glaces de Boucherville faisant des rêves

comme des oiseaux des mers traversant vers Sophia

traversant ton regard  traversant cette longue glace infinie

sanglante, épurée, sanglante

qui est le versant du matin

 

 un son blanc de guitare

avec cette forme calme de frégate et puis tangible

avec des vagues, avec des froncements dans le regard,

transgressant nos glaces d'oiseaux des mers

devenus par nature lueurs

 

et dans le sismogramme

 

la colombe d'acier de la source

 

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debout, marchant, comme un livre de guerre

au moment même où la tension se décharge orage électrique empli d'éclairs sur les hauteurs

pour une fois démasqué moi pour une fois démasquée

suspendue aux souffles des chênes, étouffant

s'étouffant l'un l'autre dans la clarté des blessures

c'est très bleu et simple ce long rejet de la lenteur

nécessaire, évolutif

c'est la perfection faite chaleur faite source faite épuisement

faite refaite se redisant se refaisant

 

ce que je dis :  c'est la guerre

 

et puis

et puis là, de passer

dans l'antre blanc de la douceur

 

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 après une lecture du sonnet 29

 

 

 

 

 

 

la colline aux verts sombres
où des faucons s'évasent
à cinq heures est remplie d'oiseaux
qui s'extasient sur la lumière

comme le coeur battant les yeux fermés
comme des mains ouvertes
pour le soleil
pour le si grand soleil qui plane au loin

mais je te jure
que l'oiseau n'a pas de joie plus profonde
qu'un seul mot de ta plume
effleurant la tendresse

et que je pourrais le lisant y vivre
les mains ouvertes
le coeur battant
jusqu'à la nuit

 

 

 

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in the midst of life (...)

 

 

 

 

 

il est question d’alignement :
huit morceaux de planètes si manifestement purs
étirés comme des chats dans la chaleur des fauteuils
que les larmes n’ont même pas le chemin


que l’aubépine des plateaux
et la tourbe des plaines
n’arrivent même plus à disparaître sous la couleur des sons
(tellement, tellement familiers que le cœur s’arrête)
et qu’on se rappelle – enfin – de quoi est faite l’action de jouer
de ce que ça veut dire

 

et dans ces planètes si manifestement pures
qu’elles tranchent comme une lame
sur tout ce qui ailleurs est la nuit


dans tous ces sons
toutes ces musiques
dans la posture arrêtée du corps


tu es si proche à l’arrivée du jour

 

 

 

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il est possible que la fin approche

oui

mais comme je pensais hier à ces autres

ces souvenirs si noirs

si terrifiants

alors tu vois penser à toi

même à te perdre

(qui blesserait mon corps jusqu'au sang)

est d'une joie qui étincelle

car de toi je ne sais que justesse

je ne sais que chaleur

 

donc si je peux dessiner le moindre de tes silences

la moindre de tes distances

la plus refermée de tes portes

 

ou sillonnant

le tissage éclairé de lueurs

l'odeur du bois et de l'écorce

ces mains dont je connais la forme

ces cordes dont je connais la voix

 

 

 

bref

tout le tapis de ce qui fait l'amour

 

 

 

 

tout cela fait que mes larmes

ne seront pas de mauvaises larmes

et que tu es

ce qui tiendra ma vie debout

 

 

 

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tu es le dictionnaire du jour

des champs de blé, de l’exutoire

je suis la peur du matin

ta parole est posée là, aimée, blanche, précieuse

en même temps que le vent, ce gypaète, comme une corde aérienne

 

pieds nus dans la froideur de l’aube

je vois mes arbres aux silhouettes penchées

loups efflanqués dans les collines

 

 

et sur leur poitrine ton ombre

escarpée dans la brume

 

 

 

 

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je ne le dirai pas mais c'est ainsi
la page tourne morne et grise
même dans ces murs jaunes et si sensibles
où des rires tempétueux accompagnaient mes pleurs


(le rieur tu me manques)


je pars, mon clavier intime, et je t'emmène
aussi les fleurs cachées des roseaux les sons lisses des flûtes
(quand je jouais pour lui dans l'aube et que les arbres portaient

le dessin de son ombre)
le violoncelle est comme l'homme aimé si fort que je pourrais mourir
et pourtant silencieux, toujours au loin, toujours pensif


le piano n'est plus

 

il est maintenant l'heure
de la blanche caverne

 

 

 

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Ainsi va le corps dans la tempête. J’attire un chien, un enfant, un SDF, tous mes égaux mes frères mes ressemblants.  Le chemin se déroule écorché. Si humblement, si lamentable qu’il faut bien que je dise que je ne dois ma vie qu’à ces musiques, clairs de soleil, pieds sur le sable.

 

J’ai tout perdu, c’est une phrase liberté. Sur les pommiers en fleurs les oiseaux parlent. Ici la chair de ton ombre est si découpée dans le ciel qu’il te découpe aussi pour te ranger dans les merveilles.

 

J’ai tout perdu, me dit la lampe, et sur le noir un fil dessine sa géométrie de la joie.

 

 

 

 

 

 

 

il pleut


je fais semblant de protester mais que ma ville est belle
et les arbres
tout ce qui est encore vert regorge d'eau et de lueurs
arrondies sous les angles
et je reprends cent fois mon tributaire cent fois de mon chemin
mille ans passés de frustration
de ses paroles/proximités/de réunir
et bêtement, si bêtement-exaspérant qu'on se battrait


la joie sauvage de connaissance
qu'une lampe s'est allumée dans la nuit

et qu'enfin
on va pouvoir enfin


- enfin -


dormir

 

 

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3. Inner Sanctum.

 

 

 

 

 

 

 

 

C’est la nuit.

 

Un homme chante downtown train dans la fumée, voix éraillée de plénitude.

 

Moi qui ne suis qu’entière et pliée d’une seule trame, moi une, je garde mon regard, et viennent sur ma peau des pluies fines de jour. En aveugle à ma place, celle qui est au centre de mes souffles, je regarde les flots battre autour de moi, sans que mes pieds ne perdent trace.

 

J’ai la fièvre et le désir du sable. Qu'on me donne justesse. Qu'on me donne justice.

Mais toi sûrement tu ne sais pas le chant de toutes mes vies émues, le prix d’ellipses noctambules, combien de force pour dégager ce parchemin d’épaule, où s’inscrit ton nom tous les jours.

 

Où je l’efface, par discrétion.

 

Où il se réinscrit.

 

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je vais toujours caminant
comme une fleur inverse
toujours bonheur rédhibitoire
et terre douce
- faut-il qu'ils n'aient que ton regard, les famineux -
alors que sous l'orage des peines
des obstacles blessés
une ligne va sans histoire

dans dix années on se dira : comme le cormoran était beau !
comme fières et protectrices ses  ailes
comme effacé d'eau le devant de son corps

et dans dix années encore le ciel
de ce diamant
se vêtira

 

 

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Tu n’arrêtes pas le cours de l’eau.

 

Et non, je ne parle pas de ces terreurs, le temps qui passe, le corps qui lâche, l’espoir qui cherche une branche, pour s’accrocher. Je parle de la rivière, et de son bleu.

 

Le bleu du regard, le bleu parce que tu as maintenant la joie pour proximité. Le bleu turquin des lavandes. La bleuitude persane des apprentissages.

 

Bleu des incertitudes. Tu as renoncé une fois pour toutes à savoir ce qui était bon et bien, ou qui n’était qu’une feinte du moi s’intéressant à lui-même.

 

A savoir si tu es le renard ou le Petit Prince.

 

Si les années qui restent sont marquées du sceau de l’importance. Si ces personnes autour de toi sont mortes, alors qu’elles étaient vivantes, ou bien si elles ont raison de prendre tout ce qui vient, sans distinction, et avec lâcher prise.

 

 

Toi, évidemment, tu renâcles, tu voudrais vivre, tu voudrais aimer, encore, tu voudrais être utile, tu voudrais apprendre, toujours, quelle enfant tu fais !

 

 

 

Mais au moins tu acceptes d’être là, au bord, et dans le bleu de l'inéluctable affection, verses l’amour dans la rivière, comme de tes mains envers ses mains, l’onde infinie du toucher.

 

 

 

 

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Elle est paisible ta maison, celle que j'ai en moi et qui me garde. Elle a des fulgurances aussi, dissimulées, un psaume interminable de chant qui ne s'embarrasse pas de principes  et où la géométrie des failles ne vient pas à la hauteur d'un souffle qui serait passé entre nous à la faveur du vent. Où l'espace est redit avec autant de courage qu'une main sur la peau ou des lèvres appuyées sur des phrases.

 

Elle est paisible pourtant, douce pourtant, même après la lutte et même après l'averse et le brouillard.

 

C'est la paix de la pluie et de la transhumance vers la prairie où, les dieux ayant vu mes prières, les troupeaux de mes rêves s'endorment dans le couchant du ciel.

 

 

 

 

 

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c'est la seconde fluide où le jour à Nice
par dessus l'air fumant de l'orage fait centre

c'est la seconde après la ligne d'eau

feuilles penchées un vaisseau de plumes
– au point rouge – vole dessous les fils du vent

les fleurs sont fauves
elles auraient presque la forme d'une goutte entre deux pentes

puis il vient, installe

 

une large tenture beige pour le souffle

et je le vois glisse
une très longue suite de pensées sur l'étoffe

c'est indigo dans ma fenêtre
estompés tous les murs de Nice

le corps s'attache un serment de chanvre
à la nuit étoilée des tapis

 

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 dans toutes mes autres nuits celles d'après le passage
après l'hiver profond après l'automne triste
je me rappellerai
l'odeur d'écorce les champs de blé
l'intimité de vos guitares qui se disaient des choses simples


-comme il est vaste le monde et sa beauté tu te souviens


je me rappellerai la danse fauve de ma joie
la lenteur des sourires
je suis un manuscrit qui ne se perdra pas


et où dans les futurs les plus indifférents on trouvera encore
ces maisons de papier

où j'écris que je t'aime

 

 



28/06/2017
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