Rivière
Tout cela est au bord de la rivière.
Je l'appelle ainsi car ses éclairs doux en jaune pâle écume grands étalements de mousse et d'herbe car tranquille chuintement architecture beige d'un arbre car pente ensoleillée de cailloux blancs.
Inutile de raconter la vérité sur elle entreposée de calme et que le jour où l’eau monte il n'y a plus ni route ni ville ni pensée ni arbres ni pente ni cailloux ni rien.
On le sait bien. On continue.
En attendant tout cela est au bord de l'eau très douce.
J'ai de multiples manières d'être éveillée mais, je trouve, une seule d'aller vers la mort, concentrée, immobile, même s'il y a pour moi beaucoup moins de façons de vivre que d'avoir peur de vivre.
Je vis perpétuellement avec la tentation de ma nature animale qui me commande de bien cerner la différence entre mon identité et l'incertitude imprévisible du dehors. Alors que ma nature humaine me commanderait au contraire d'explorer dans ses profondeurs la possibilité de mouvement entre moi et le monde et, si l'on y regarde bien, la très grande facilité d'échanges entre les deux.
L'univers extérieur est la composante essentielle de mon être intérieur. Lorsque l'incertitude augmente mon mouvement converge vers le centre et je deviens plus complexe et incompréhensible. Lorsque l'incertitude diminue mon mouvement s'évase vers ceux que j’aime et je deviens plus diversifiée.
L'altérité fait pourtant la force. Mon animal social est beaucoup plus indépendant de l'incertitude quand il est confronté à l'existence d'un être privilégié. A son regard en anneaux je percute et j'analyse la résonance de tous ces retours réfléchis ou réfractés. En moi aussi le tout est plus indépendant que les parties.
Et si la réfraction provient d'un être incommensurable, je veux dire incommensurablement écoutable, elle est encore plus précieuse, comme un scintillement d'orage sur la mer.