Point 204, Le Plan de la Tour
Réserve naturelle des Maures. Image Ineaguide
Le point 204m est un col, de part et d'autre les chemins remontent dans les collines-montagnes, et notre exercice consiste à cartographier une petite surface autour du point.
Là encore, nous commençons par mettre le nez sur les roches du sol, en essayant de bien distinguer ce qui est fixé de ce qui s'est retrouvé là par transport, par exemple dans le chemin qui va vers le sud. On voit très vite deux couches différentes, l'une de micaschistes très beaux, avec leur muscovite transparente et étincelante, l'autre de grès ou conglomérats. les micaschistes sont des roches métamorphiques, donc créées en profondeur, le fait qu'il y ait juste au-dessus (on voit le contact sur les affleurements) des conglomérats ou des grès marque une discordance : il manque toutes les roches entre la profondeur et la surface.
On trouve la continuation de la discordance sur l'autre chemin.
Au nord, des granites qui ne ressemblent pas du tout à des granites, bien malin qui pouvait les reconnaître du premier coup d'œil. A côté des grès et conglomérats aussi, le contact cette fois est une faille, peut-être en jeu inverse mais c'est difficile à déterminer. On essaie de retrouver la faille quand la route la recoupe. La voilà, granites dégradés d'un côté, grès de l'autre, brèches de faille, le contact n'est pas facile à voir, il ne faut pas se laisser tromper par le pendage apparent, qui n'est pas celui du vrai plan de faille, une des grandes difficultés du terrain, ça. Et en plus, si on veut mesurer quoi que ce soit, il va falloir aller dans les ronces :-).
Deux jours plus tard, j'arrive à assister à un séminaire à Sophia, et le choc entre le séminaire et ce que je viens de faire pendant les trois jours est intense : d'un côté, un jeune chercheur de l'ENS explique comment il a déterminé ses lois de friction pour les failles de séismes qui ont eu lieu dans des zones où il y a aussi des mouvements asismiques. Il explique aussi, de nombreux schémas et modèles à l'appui, que c'est un seuil de densité d'aspérité (ces surfaces de faille qui opposent une forte résistance au mouvement à cause de leur rugosité) qui, traversé, provoque la sismicité de la région considérée. Je regarde ça avec attention, et je me souviens que sur le terrain j'ai eu simplement du mal à voir les failles, et que je ne pouvais pas mesurer l'une d'elles parce qu'elle était dans les ronces. J'ai vraiment du mal à mettre ensemble ces deux choses-là. Leur juxtaposition me paraît surréaliste. L'espace que doit parcourir mes neurones pour intégrer ces deux domaines qui sont l'un et l'autre de la géologie-sismologie est vraiment vaste pour moi.