2. Les fils
Les nouvelles du quartier, c'est comme des fils invisibles dans la lumière. Ou comme les arbres qui cachent leurs fruits. Ils sont très forts. Je suis devant le plus grand des noisetiers, et je ne vois aucune noisette dans le feuillage étendu de la haie. Elles sont encore jeunes et vertes, et recouvertes par les grandes feuilles. Je pourrais dire : « mince, pas de noisettes cette année ! » et être déçue. But I know better. J'attends patiemment du regard, et un moment après, toutes les noisettes apparaissent, petites, menues dans le feuillage.
Par exemple, Henriette est sortie de sa maison ce matin et son regard lui dit que quelque chose n'est pas normal. Au bout d'un instant, elle réalise qu'on lui a volé sa table de jardin et ses fauteuils. Alors que le portail de sa cour est fermé à clef. Du coup, elle le laisse ouvert. « Il n'y a plus rien à voler, maintenant ». Ses visiteurs sont contents, car ils sont très nombreux. Henriette est très malade.
Les fils, on ne sait pas ce qu'on va trouver si on tire. Le machin piquant qui vient de passer dans la nuit, c'est un tout petit petit hérisson. Et vu la grandeur de ses épines, il devrait être encore avec sa mère. Morte ? Partie ? pour comprendre il faut savoir aussi que la voisine a un petit chien qui entre par un trou dans le jardin, fait peur aux chats. Bouchage du trou. Mais la hérissonne était partie chercher un mâle. Et elle était restée dehors. Du coup, mâle piégé dans le jardin, pas content. Débouchage partiel. Petit hérisson retrouve sa mère. Fin du drame familial.
Et comme un autre voisin s'était mis dans la tête d'empoisonner tout ce qui passait par chez lui, il y a moins de chats. Deux nouvelles pies, un couple de merles, et d'innombrables passereaux s'installent. Le jeune merle est tout noir, magnifique, et a décidé d'adopter ces humains agréables qui font de la musique par les fenêtres. La jeune femelle, grise et fauve, est plus sauvage. Je ne sais pas comment expliquer à son compagnon qu'il faut se méfier. Un éclair blanc avec griffes vient de le rater de très peu. Un jour, il va finir en déjeuner.