La route selon J
j'écoute la ville où tout s'étreint
tout est polytonalité
mais ici mon travail est complexe
tes feuilles vertes entre des grilles bleues, ténues, de branches
(à mon grand étonnement)
parlent plus fort
que tous les sons de sa chapelle
et sur l'automne
posent leurs rails
je sais où aller maintenant
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je suis la feuille
tu es la terre
il est l'eau qui dévale
et si précieuse
que plusieurs vies ne pourraient pas
payer le prix de son passage
en haut du port
le port
où des troupeaux de mers
dans le vent
s'écharpent
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L'automne marche, un peu trop chaud, ses plantes épanouies. L'ivoire devient la norme, la pluie la rivière, le vent un don du ciel. Dès le matin mes inquiétudes du monde se dissolvent, un instant, pour revenir plus tard. Dans la nuit, alors que les premiers oiseaux s'ébrouent, avec les renards, je reconstruis patiemment ma joie.
Maintenant, d'ailleurs, nous sommes tous venus ici, une couche de marne puis de calcaire s'étale, penchée, vers la source. Nous sommes presque tous venus. Nous peaufinons le rituel.
Il sera gravé sur les papiers qu'on jette mais qui reviennent ensuite, ensoleillés, dans les rêves.
Parce que je serai dans ses rêves. J'y vivrai bien, à l'entour de la source.
Une ombre brune passera, haute, puissante, et ses insondables paroles viendront enchanter les longues herbes du jour levant. Elle aura un rire soudain, une ride profonde plantée au front. Des défauts d'ombre, quoi. Elle refera le passage des pierres, et le reconstruira.
Parce qu'une route cassée, ça se refait avec les mains, avec le dos, ça se répare.
Et c'est exactement ce qu'elle fait.
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