L\'Insoluble

L\'Insoluble

Nous te le dirons

Oui, une étrange douceur moite et très lumineuse se précipite avec les tourbillons de la lune pâle de fin d’après-midi, avec les écharpes nouées du canal, avec les ombres portées des villages anciens de ses pensées, avec surtout la voix de l’homme et avec le carrefour des polyphonies sauvages, sur tout ce cheminement de couleurs claires. La rivière est puissante, le sol est pur, et une femme qui marche dit : 

 

«  Quel endroit merveilleux à  accompagner ! » ,

 

est triste peut-être un court instant de l’impermanence interne des choses qui restent au delà de la route, et se délaissent derrière son pas sur le chemin, charmante et ensoleillée peinture claire des représentations antiques.

 

Mais à mesure qu’elle marche, tout entière approchant de cette vallée complètement verte, les eucalyptus et les saules ont disparu, les maisons basses avec deux cheminées se font rares,  finissent par se regrouper en un seul noyau d’habitation intense avec un morceau de terre profonde et rouge, de pré en pré machinalement égrenée dans les paumes et presque constamment sculptée en infime image d’elle-même, comme idéale.

 

Quand elle est arrivée au plus haut plateau de la combe appelé Chaise Posée de l’Homme Vif, parce que les rayons de la lune, qui se levait au-delà du Bois et des Montagnes de l’Ouest, semble dessiner les contours d’un siège où reposer un corps parmi les feuillages luisant des résineux d’altitude, elle respire profondément un instant, sans se retourner jamais, sans laisser un seul dernier regard à l’immensité de tout cela derrière elle qu’elle offre aux commencements du crépuscule, et au delà de laquelle le rideau blanc de l’éclair va percer.

 

Car Elle

 

Je

 

Tu

 

Nous

 

savons les orages bétonnés qui se referment en abîme sur des canyons et des impossibilités.  Plombée et lourde, la part la plus lointaine d’un nuage dit que la côte n’est qu’à quelques dizaines de kilomètres. En haut, vers le sud, l’air se colore de beauté, une maigre attente essoufflée bientôt en quelques lignes.

 

Ce sentier large en parallèle devant moi je le surnomme,  le porte et le désigne, c’est le Bon.

 

Entre les imaginations de cerfs, les combats flancs à flancs de fourrure et les bâtons de métal, j’avance jusqu’à la déchirure nue, marcheuse détournée dans ces images que tu ne verras pas, entre les dessins de sueurs montantes, les ressentis de la chair, les barrières de fierté encore brandies pour n’être pas une humble découverte.

Voici la cascade, épaisse, sans parole. Je vois sans me presser sa confiante apparence, elle ne me fait jamais peur. Dans les églises où j’allais jadis en mariage aux vieilles aurores de printemps, c’était cet identique abandon, la frustration toujours comblée d’une inconnue métaphysique à laquelle je souscrirais toujours.

Je franchis maintenant l’écluse, ou ce qui en tient lieu, ce long passage de rochers, sans un seul esprit de chien comme guide, mais avec toujours la ligne parallèle d’un jeune oiseau pérégrinateur, j’entre dans ce qui se transforme en un retour. La combe et le ciel s’éclaircissent brusquement ensemble, frisés de seconde en seconde par la menace humide de la pluie.

 

Il est si obscur maintenant, le ciel, et je ne prends encore aucune image lorsque j’atteins le pré, je n’ai tellement ni l’audace ni le droit, j’ai tellement ralenti soudain.

 

Pourrons-nous te dire que le soleil se lèvera ?

 

Oui. Nous te le dirons.

 

 Le ciel est apparu dans son feuillage.

 

La mer au fond est une étoile.



25/04/2016
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