L\'Insoluble

L\'Insoluble

La Fille aux deux Soleils, de Stéphane Méliade


 

 

Ils sont étranges, les chemins de Wamakaskan

Chaque histoire pour la jeunesse est comme une sorte d'étoffe qui s'accroche là où elle peut, et là où elle trouve son accroche, chez le lecteur.

Par exemple, alors que je suis absolument fascinée par l'univers pré-amérindien de l'un des deux mondes décrits dans ce livre, par les allyres, par la civilisation installée dans les arbres aussi spectaculairement que les Galadhrim du Seigneur des Anneaux, par le rouge omniprésent de l'univers et  la belle ligne longue et droite qui marque le visage cuivré des gens … Eh bien, lorsque je repense à la Fille aux deux soleils, ce que je vois d'abord c'est cet itinéraire interminable de la banlieue toulousaine qui conduit les deux héros du livre, frère et sœur, vers la rencontre avec leur écrivain préféré. Dans les toutes premières pages. Pourtant, ce n'est pas tellement important, je ne connais même pas ce lieu, mais, oui, c'est bien étrange : la poussière, la chaleur, des maisons grises et tristes, ce chemin je le vois réellement, et je comprends bientôt que le fait que l'histoire commence par une marche a un vrai sens, une importance manifeste.

 

Probablement parce que les héros de Stéphane Méliade marchent ou courent, tout le temps. Pour de vrai, ou pour de symbolique, ils sont tout le temps en train de vouloir aller là ou là, vouloir devenir ceci et vouloir devenir cela, tout le temps en train de vouloir être autre, et surtout vouloir être meilleur. Et qu'y a-t-il donc de plus important dans la vie d'un être, que le fait de devenir autre et meilleur, de devenir plus, et que le chemin parcouru par les pas de ces êtres, sans tenir compte du but, simplement en parcourant la route ?

 

Et puis, on se parle. Pas toujours avec succès. Mais les tentatives sont là.

Entre ce monde incroyable qui accidentellement, et par le medium quasiment magique d'un écrivain, devient accessible à deux adolescents ordinaires de notre époque, le lien se crée ponctuellement, puis est repris, travaillé, voulu par les deux groupes d'humains si différents qui habitent si loin les uns des autres, à tout point de vue. Rarement le thème de la communication,  si présent chez Stéphane Méliade, n'a été présent avec cette force. Thème double, qui développe à la fois l'extrême difficulté de communiquer avec l'autre, et l'extrême bienfait qui en résulte.

 

Un dernier élément m'est encore plus personnel, et « verse en moi beaucoup d'émotion » (dirait Méliade-le poète) c'est celui de la stupéfaction exprimée par l'héroïne lointaine, à la vue de la richesse et du confort de l'univers dans lequel vit sa nouvelle amie.

Un choc très salutaire.

Aurait-on par hasard oublié que nous vivons dans un monde riche, où l'eau et la nourriture sont accessibles, où les violences dans la rue sont rares ?

Oui, mais se dit-on, c'est en France, y a-t-il beaucoup d'autres pays qui ne sont pas en guerre, où les enfants terrifiés ne se terrent pas dans des abris, craignant les bombes, ou bien sont exploités comme esclaves et vivent dans des trous humides ? Oui, mais même en France, se dit-on, combien de misères et violences cachées ou de moins en moins cachées, combien de lieux de souffrances et de brutalité, combien de détresses intérieures ?

On se dit, on se dit… et finalement, en quelques phrases, pas plus, Stéphane Méliade nous aura amené là où, sans doute, il voulait : à l'état de conscience…


Reste les arbres et la forêt, les beaux visages et les montagnes, reste Wamakaskan et une rue de poussière dans la chaleur.



La Fille aux deux Soleils, Stéphane Méliade
Editions Tertium
Illustration de couverture de Jean-Michel Arroyo

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Stéphane Méliade sur Wikipedia

Critiques du livre :

De Patricia Chatel


 



30/06/2009
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